dimanche 27 juillet 2014

CINEMA DE MINUIT - JANE A TOUT DU FELIN, FAIT L'AUTRE...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 50 sur F3 : Les Félins (1963), de René Clément...


 En 1963, René Clément sort du Jour et l'Heure, film de résistance interprété par Simone Signoret, et qui rencontre une relative incompréhension critique. Lui qui avait été, jusqu'ici, relativement épargné par la critique , se voit taxé de cinéaste démodé, propret. Il se lance alors dans ce qui sera sa dernière réussite artistique : Les Félins.
Clément décide de frapper un grand coup en réalisant un grand film noir américain français : en effet, si le film est de production hexagonale, une partie de sa distribution est US. De plus, il fait adapter le roman noir de Day Keene par un autre grand auteur du genre, Charles Williams ( Fantasia chez les Ploucs ).
Et pour faire bonne mesure, il confie le rôle principal du film à l'acteur qu'il a révélé avec son précédent polar, Plein Soleil : Alain Delon.


Un homme en fuite trouve refuge chez une femme qui l'engage comme chauffeur. Il découvrira trop tard qu'il est l'instrument choisi pour parvenir à l'assassinat du mari de la dame.
Comme tous les grands films noirs, celui-ci dépasse rapidement l'anecdote pour atteindre au tragique : celui d'un homme qui sera broyé par l'amour, le désir, l'ambition de deux femmes. Profondément noir et pessimiste, ce huis-clos étouffant est, pour nombre de critiques, supérieur en maîtrise au Plein Soleil précédemment cité .
Clément , s'il voulut faire impression, n'eut pas pour autant tant de moyens que cela : il souhaitait tourner en couleurs, on ne lui permit que le noir et blanc, ce qu'il regretta toujours. Pour les mêmes raisons budgétaires , ses acteurs américains ne sont pas, ou pas encore, des vedettes internationales, eh non, même pas Jane Fonda.


Jane , alors âgée de 25 ans, est une starlette fille-à-papa qui cabotine dans des teen-nouilleries cucul-la-praloche , ou des mélos secondaires , tel ce Dans la douceur de la nuit, tourné juste avant Les Félins :



Les Félins est un vrai porte-bonheur pour Jane : elle y montre qu'elle peut être une comédienne grave, intense, et surtout, pour la première fois, sexy, notamment dans les scènes avec Delon, qui ne sont pas sans préfigurer le tandem Delon-Romy Schneider de La Piscine :



D'autre part , tandis qu'elle est en France, elle tourne également dans la nouvelle version de La Ronde, signée Roger Vadim, qu'elle épousera et qui lui donnera le rôle mythique de Barbarella en 68 :


L'autre femme est moins connue : il s'agit de Lola Albright.

Sa carrière demeurera assez confidentielle jusqu'à ce qu'elle tienne un rôle régulier dans la série TV de Blake Edwards Peter Gunn, au thème musical inoubliable :


... Mais redeviendra assez confidentielle juste après.

Mais la plus grande curiosité du film demeure la présence du tout jeune Sorrell Booke, qui sera bien plus tard , en stetson et costume blanc, le cabotinant Boss Hogg de Sherif fais-moi peur !

 
Bande-annonce du film de ce soir :


A plus.

Fred.

samedi 19 juillet 2014

CINEMA DE MINUIT - DANIELLE MERITE VOTRE CONFIANCE !

Bonjour les amis !

Demain , dimanche, à 00 H 45 sur F3 : Abus de Confiance (1937) , de Henri Decoin...


Chic, chic, un Darrieux !
Résume des épisodes précédents : en 1935, Henri Decoin épouse Danielle Darrieux, qu'il a rencontrée sur le tournage de L'Or dans la Rue.  Celle-ci , à peine majeure, en est déjà à son quinzième film, où elle fait montre d'énergie, de naturel et d'ingénuité, ce qui fait d'elle la première jeune vedette du cinéma parlant. Mais les producteurs ne voient en elle qu'une aimable starlette, à l'avenir incertain. Decoin l'encourage alors à travailler, et surtout, à décrocher des rôles plus dramatiques, seul moyen de la rendre crédible aux yeux des milieu du cinéma. C'est ainsi qu'elle accepte le rôle principal féminin de Mayerling, d'Anatole Litvak, aux côtés de Charles Boyer.
Le film est un succès. Decoin, juste après avoir dirigé son épouse dans  Mademoiselle Ma Mère , une pure comédie ...


... décide alors d'enfoncer le clou du changement de registre en lui offrant un mélodrame : Abus de Confiance. 
Darrieux y joue une étudiante en droit , pauvre et orpheline, qui se fait passer pour la fille d'un riche homme de lettres. Prise de remords, elle veut avouer son imposture, mais s'en voit empêchée par la femme de l'écrivain.
Le film est construit pour tirer les larmes et y parvient. Il est surtout entièrement construit autour des états d'âme du personnage féminin. C'est véritablement un véhicule pour la jeune fille, à qui Decoin fait le cadeau de lui offrir comme partenaire Charles Vanel, le plus moderne des acteurs (déjà !) mûrs de l'époque.


Pour ne pas déstabiliser trop quand même les admiratrices de la comédienne, on inclut dans la distribution le trop gentil Pierre Mingand, partenaire récurrent, sur disques et sur films , de Danielle :


Pour la petite histoire , on remarquera également la présence d'Yvette Lebon, actrice météorique, mais qui était alors la compagne de Roger Duchesne, le futur Bob le Flambeur, de Melville, diffusé il y a quinze jours.
Eh oui, le monde est petit, ah là là... Et si je vous dis que la dame est encore parmi nous, qu'elle est même la doyenne des comédiennes françaises ( 103 ans !), vous vous direz comme moi qu'on est peu de choses...



Abus de Confiance fut un très grand succès, qui ouvrira toutes grandes les portes d'Hollywood à Danielle Darrieux. Elle y tournera La Coqueluche d'Hollywood (1938), mais le succès remporté là-bas ne lui suffira pas longtemps . Elle reviendra en France pour tourner avec Decoin ses deux plus beaux films de l'avant-guerre : Retour à l'Aube et Battement de Coeur... 


 

 

Coeur qui ne battra plus entre eux deux,  en tous cas plus aussi fort, puisqu'ils se sépareront en 1940, mais continueront à faire des films ensemble jusqu'au milieu des années 50...

 A plus !

Fred.
 


 


 








 

samedi 12 juillet 2014

CINEMA DE MINUIT - LINO SE PREND LES PIEDS DANS LE TAPIS...

Bonjour les amis !

Demain dimanche, à 01 H 00 du mat' sur France 3 : Avec la Peau des Autres (1966) , de Jacques Deray...


 Suite du cycle policier avec ce petit film, troisième production de l'association Jacques Deray/ José Giovanni. La  plus réussie étant la première, Du Rififi à Tokyo.

 
Repris de justice, truand lié à la Collaboration pendant l'Occupation,  condamné à mort en 1948 pour complicité d'assassinat, puis gracié, Giovanni sait ce qu'est un flingue, un tueur. Son apport aux oeuvres de jeunesse de Deray leur amène un surcroît d'authenticité.
C'est un peu plus compliqué pour ce film-ci, qui se trouve être un film d'espionnage. D'après Giovanni, c'est Gilles Perrault , futur auteur de l'Orchestre Rouge , qui avait commencé l'écriture avec Deray, mais le travail tourna court. Le résultat aurait sans doute été différent avec Perrault, davantage rompu au milieu des espions. Tel quel, le film est bicéphale. Deray a sans doute essayé , à travers cette histoire d'agent français cherchant, à Vienne, à démasquer un agent double, de retrouver l'atmosphère du fameux Troisième Homme de Carol Reed.


Giovanni, quand à lui, regrettait que l'on ait convoqué Lino Ventura pour si peu de scènes d'action ! Lino n'est pas James Bond, il n'en a pas l'élégance , et il est un peu "barricadé dans son pardessus" (Giovanni). La distribution internationale, typique des coproductions de l'époque, n'aide pas à la cohérence de l'ensemble, très patchwork. L'italienne Marilu Tolo est décorative, l'allemand  Wolfgang Preiss et le français Jean Servais s'ennuient. Seule excellente idée de casting : le trop rare Jean Bouise.


Comédien de théâtre fidèle à Roger Planchon, qui le fait jouer depuis le début des années 50, il commence à intéresser le cinéma en incarnant... le capitaine Haddock , en 1964, dans Tintin et les Oranges Bleues.



 
Heureusement, très vite, Resnais, Sautet, Boisset vont s'intéresser à lui, et en faire un des seconds rôles les plus demandés et les plus nuancés des années 70. Son rôle de directeur de club de foot véreux dans Coup de Tête de Jean-Jacques Annaud (1978), reste particulièrement dans les esprits...


Peu avant sa mort, en 1989, il aura le plaisir de se voir adopté par le chef de file d'une nouvelle génération de cinéastes  : Luc Besson fait en effet appel à lui pour Le Grand Bleu et Nikita, après l'avoir dirigé dans son premier film, Le Dernier Combat.

 
Ici, en agent boiteux et désabusé, il donne un petit supplément d'âme à un film qui en manque un peu, quand même...
D'ailleurs, le public ne s'y est pas trompé : le film fut le premier échec de Lino au box-office...


A plus !

Fred.

samedi 5 juillet 2014

CINEMA DE MINUIT - PAS D'ETE SANS BOB !

Bonjour les amis !

Demain soir dimanche, à 00 H 50, sur France 3 : Bob Le Flambeur (1955) , de Jean-Pierre Melville...


C'est avec ce film que Melville, déjà reconnu pour Le Silence de la Mer ou Les Parents Terribles , commença à écrire sa légende, celle DU réalisateur de polars français.  Pour être complet, il faut rappeler que ce qu'on appelle "le polar à la française" voit le jour en 1953, par une déflagration : celle du Touchez pas au Grisbi de Jacques Becker :


Personnages forts, mais authentiques, mise en scène au cordeau, travail de studio léché, acteurs irréprochables et virils, symbolisés par un Gabin vieilli mais puissant : le genre est né. Il donnera beaucoup, beaucoup, d'oeuvres d'inégale valeur , de la série B vulgaire aux films mémorables : Du Rififi chez les Hommes, Razzia sur la Schnouf...
Mais tous ces films s'inscrivent tout de même dans la continuité de la Qualité Française : travail de studio, scénarios bétonnés, mots d'auteur, acteurs confirmés.
Melville , pour son entrée dans le genre, décide de tourner le dos à tout ça . Il filme une partie des plans à Pigalle, et dans d'autres quartiers de Paris, donnant un aspect documentaire à une histoire qui ne l'est pas : en effet, inspiré d'un roman d'Auguste Le Breton, le film conte le parcours romanesque d'un vieux joueur, qui, par amour pour une fille paûmée, tente un dernier casse... Rien que très classique dans le dispositif. Mais Melville veut se rapprocher du cinéma hollywoodien noir et de sa sécheresse. Il refuse donc le "savoir-faire" des acteurs et dialoguistes français et recrute des acteurs inconnus : la starlette Isabelle Corey, le jeune Daniel Cauchy. Et surtout, il "rappelle" un acteur sulfureux et déjà oublié : Roger Duchesne.


Ce qui a fasciné sans doute Melville,c'est le parcours de Duchesne, qui fut un des jeunes premiers prometteurs de l'avant-guerre...


... Mais qui, lassé ou blasé, quitte le métier en 43 pour ouvrir un troquet. Gros hic : il s'acoquine pour cela avec un responsable de la Gestapo française. Le troquet devient le repaire des collabos du coin. Malgré une tentative pathétique pour se faire passer pour un FFI, Duchesne est mis à l'écart à la Libération. Il fait ensuite toutes sortes de métiers : vendeur de cravate, auteur de romans noirs , et même ... braqueur à main armée! Arrêté en 1950, il fera deux ans de prison ! C'est alors qu'il est revenu au roman noir...
... Que Melville fait appel à lui , histoire de donner de l'authenticité au personnage de Bob . Et , certes, Duchesne fait un bien beau job, même si l'on ne sait pas si ce sont ses qualités ou bien ses insuffisances d'acteur qui donnent au personnage tout ce mystère.
Brillant exercice de style, Bob le Flambeur sera, par son économie de moyens, et sa volonté de casser les codes du cinéma français, un des modèles importants pour  la Nouvelle Vague, quelques années plus tard...

Extrait : 


A plus !
Fred.