dimanche 27 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - CINE FACHO...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 55, sur F3 : La Couronne de Fer  (1941), de Alessandro Blasetti...

 Grrr. Comme si la percée du FN aux dernières élections régionales, le projet de loi sur les binationaux et les exactions commises en Corse ne suffisaient pas à rendre la fin d'année bien pré-fasciste, voilà que le CDM s'y met, en nous ressortant cette chose crypto-mussolinienne. Bon. Bouchons-nous le nez et allons-y.
La Couronne de Fer est considérée comme une oeuvre assez typique du cinéma fasciste italien. Les autorités étaient en effet persuadées que la pureté de leur idéologie serait bien mieux transmises à travers le lyrisme des films historiques, qui permettaient de mettre en valeur l'héroïsme, le courage, la détermination du peuple italien ou romain. . De leur côté, les producteurs et réalisateurs avaient bien compris  qu'ils avaient bien plus de libertés dans la direction de leurs histoires en traitant de thèmes historiques plutôt que contemporains. La censure veillait.
Dans le cas présent , il s'agissait en plus de montrer la puissance du cinéma italien : nous sommes dans une superproduction, et ça se voit. Les influences vont du Ben Hur de Fred Niblo aux Niebelungen de Fritz Lang...



Il s'agit de faire date. Nous sommes en 1941, et l'Italie se fait oublier dans le conflit mondial. Il faut  montrer les muscles. Le scénario mêle, dans ce but,  à peu près tous les motifs mythiques possibles et imaginables : un roi cruel qui enferme sa fille, une malediction, une sorcière, et surtout une couronne, La fameuse couronne , que tout le monde s'arrache...
Entre prétention, propagande, et rebondissements dignes du sérial, le film fait preuve d'une belle énergie, une énergie plus proche des délires à la Griffith ou à la DeMille ( on pense à l'ahurissant Signe de Croix), qu'aux péplums bigarrés et multicolores des années 50-60... On retrouve d'ailleurs cette imagerie foisonnante, ces décors chargés, hyper luxueux, typiques du péplum des années 10...


La distribution porte également en elle les stigmates de l'époque. Je ne parle pas du jeune Massimo Girotti, héros de l'histoire , qui sera révélé quelques mois plus tard dans Les Amants Diaboliques de Visconti...


... ou du brave Gino Cervi, que nous retrouvons encore, cette fois dans le rôle d'un méchant...
Non, je veux parler du redoutable tandem Luisa Ferida / Osvaldo Valenti.


Ces deux-là furent véritablement les Amants Diaboliques du cinéma fasciste italien .
Lui, se fait connaître dès les années 30, dans des comédies où il joue souvent le méchant, le traître, l'amant éconduit. Certains témoignages laissent apparaître , progressivement , une espèce d'attraction morbide du bonhomme  pour le mal, la dépravation, l'auto-destruction, ce qui l'aurait conduit à se rapprocher des ultras de l'Italie Fasciste.
Luisa Ferida , quant à elle, est une petite comédienne peu talentueuse qui , petit à petit , dans cette époque trouble, va accéder aux premiers rôles. Il n'est pas inutile de préciser ici que , pour l'un comme pour l'autre, le rôle de Blasetti dans l'avancée de leur carrière fut prédominant . C'est La Couronne de Fer qui installa définitivement Ferida comme vedette.
Durant l'été 43, le fascisme s'écroule. Valenti et Ferida décident  alors de suivre Mussolini dans sa fondation de l'éphémère République de Salò . Ils y tourneront quelques films, et Valenti s'engagera dans son armée...


En Avril 1945, à Milan, ils sont arrêtés par des partisans italiens, et tous deux fusillés sans jugement.  
De cette histoire qui continue à hanter l'Italie, le réalisateur Marco Tullio Giordana a tiré un film , Une Histoire Italienne, en 2008, avec Monica Bellucci...


A l'année prochaine !

Fred.

PS : Et Blasetti, alors ? Eh bien, il va finement prendre le virage du néo-réalisme avant la fin de la guerre, en signant son meilleur film, Quatre Pas dans les Nuages, avec -encore- Gino Cervi ! Cela lui permettra de passer entre les gouttes et de continuer, peinard, sa carrière, en s'orientant de plus en plus vers la comédie...



dimanche 20 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - LA GUERRE DES MISS...

Bonjour les amis !

Ce soir, à 00 H 25 : Vulcano (1950) , de William Dieterle...

Ce film est le grand perdant d'une bagarre de femmes pour l'amour d'un homme.
Je m'explique.
En 1948, Roberto Rossellini, le génial réalisateur de Rome Ville Ouverte, rencontre Ingrid Bergman, l'actrice suédoise émigrée à Hollywood, et il en tombe éperdument amoureux. Problème : le réalisateur est alors en couple avec la volcanique Anna Magnani, jusqu'ici son actrice fétiche Celle-ci ne pardonne pas, d'autant plus que le scandale devient rapidement public , et humilie l'une des actrices italiennes les plus populaires.
La tension monte encore d'un cran quand le réalisateur décide de tourner Stromboli, originellement prévu pour Anna.... avec Ingrid !
Celle-ci décide de ne pas se laisser faire. Elle réquisitionne William Dieterle, réalisateur hollywoodien alors de passage en Europe, et , sur une trame proche, et à deux pas de Stromboli, sur une autre île,  elle va tourner Vulcano... en même temps !
Pendant des semaines, les journalistes vont se régaler à aller et venir entre les deux tournages. Le public italien va se partager entre le Nord, pro-Rossellini, et le Sud, pro-Magnani .
Les deux tournages vont être électriques et paranoïaques ,  Bergman craignant également que son mari suédois ne débarque sur l'île pour la récupérer ...
La légende raconte que chaque soir, Magnani s'en allait à la pointe de l'ïle de Volcano, d'où l'on voyait Stromboli, pour injurier sa rivale à la cantonade...
Les deux tournages s'achèvent en même temps. Vulcano est présenté à la presse en Août 1950, mais la plupart des journalistes quittent la projection avant la fin : on vient d'annoncer la naissance du premier fils de Bergman et Rossellini...
Sur le moment , il n'y aura pas de gagnant : les deux films seront d'énormes échecs.
Mais , soixante ans plus tard, il n'y a pas photo : Stromboli est entré dans la légende comme un des films de Rossellini les plus rosselliniens (même, si, personnellement, il m'a toujours beaucoup ennuyé), alors que Vulcano n'est plus cité que pour l'anecdote.
Il faut dire que Dieterle, contrairement à Rossellini, est arrivé un peu sur le projet par hasard, et qu'il n'est plus , loin de là, le metteur en scène alerte des grandes biographies Warner des années 30...


Il reste un véhicule pour la flamboyance de Magnani, et la démonstration que le cinéma est, décidément, une affaire de passion...

Extrait de Stromboli :



Extrait de Vulcano :

A plus, les amis, et Joyeux Noël à tous !

Fred.

La Source principale de cette chronique est un excellent article du Point sorti en 2011, et signé François-Guillaume Lorrain...

 

samedi 12 décembre 2015

CINEMA DE MINUIT - GINO VALGIANNI...

Bonjour les amis :

Demain, soir, à 00 H 00, sur France 3 : L'Evadé du Bagne - 2ème époque : Tempête sur Paris, 
précédé dimanche dernier de L'Evadé du Bagne - 1ère époque : Chasse à l'Homme,
deux films signés par  Riccardo Freda en 1947...


Et nous voici partis pour la huitième version cinéma des increvables Misérables de Victor Hugo, qui devait en précéder six autres. A noter que celle-ci est la seule qui nous soit parvenue d'Italie !
C'est le succès de l'Aigle Noir (voir chronique précédente), qui permit à Riccardo Freda , abonné aux films de genre, de mettre en branle ce projet ambitieux. Enfin, ambitieux, ambitieux, tout est relatif. Le budget est relativement modeste, et  il reste bien en deçà de celui de l'adaptation flamboyante (la meilleure à ce jour !) qu'en fit Raymond Bernard en 1933 :


Les différences sont nombreuses entre les deux cinéastes : là où Raymond Bernard collait au lyrisme et à la volonté pédagogique du père Hugo, Freda , en bon cinéaste de genre, colle... à l'anecdote, à la péripétie ! Ce qui n'est pas si fou,c ar il ne faut pas oublier que, malgré tout, Les Misérables ont d'abord paru ... en feuilleton. D'où cette impression étrange que Freda confond Hugo avec Dumas. Cela n'a pas que des inconvénients : le vol du pain, l'arrestation de Valjean, son évasion, et sa sortie définitive du bagne, sont ici traités en moins de dix minutes. Sans ambiguïté, Freda considère d'ailleurs Valjean comme un héros , et pas comme un personnage symbolique : son parcours n'est pas initiatique, il est , d'après le réalisateur, un homme qui fait ce qu'il veut !
Il est incontestable que, dans cette version, le rythme l'emporte sur la caractérisation des personnages : Cosette, Fantine et les Thénardier, par exemple , sont presque des silhouettes, et la seule forte confrontation qui est retenue est celle qui oppose Valjean à Javert . Les deux personnages sont d'ailleurs les mieux campés :


Définitivement marqué par son rôle de Peppone, Gino Cervi fut pourtant un acteur important des années 40, pour de pas très bonnes raisons d'ailleurs : on l'employa beaucoup dans des films historiques ou de cape et d'épée , bizarrement comme héros, alors que son embonpoint était déjà fort apparent ! Ce fut LA très bonne idée de Freda de lui confier le rôle de Valjean : pour incarner cet ancien forçat, capable, je le rappelle, de soulever une carriole, il ne fallait pas prendre un gringalet. C'est là que Cervi va vraiment trouver son emploi, un emploi d'homme massif, terrien,charismatique, qui l'emmènera, certes, au maire communiste des Don Camillo, mais aussi à celui du commissaire Maigret, qu'il incarnera à de multiples reprises...


Giovanni Hinrich incarne quand à lui un Javert comme on les aime, psychorigide jusqu'à la folie, obsessionnel, sourd et aveugle à tout ce qui n'est pas son devoir. Il est dessiné de façon très convaincante par Giovanni Hinrich , dont le parcours est difficile à suivre. Metteur en allemand d'origine juive connui sous le nom de Hans Hinrich , il se convertit au catholicisme pour échapper aux persécutions allemandes. Mais , malgré tout, il doit fuir en Italie , où il met en scène plusieurs films, dont une Lucreze Borgia...
En 1946, cette fois pour éviter les représailles contre les allemands, il devient Giovanni Hinrich, et passe de l'autre côté de la caméra . Javert est son rôle le plus important. Il retournera rapidement en Allemagne, où il deviendra un des papes du doublage...

Ne vous attendez pas à une version spectaculaire des Misérables. Ici, vous êtes dans un film d'aventures, un western, un mélodrame ayant pour héros Jean Valjean ! Et si, comme moi, vous aimez les successions de péripéties sans temps mort, eh bien, vous passerez un bon moment !

Extrait :


 A plus !

Fred.